« Je peux avoir des espérances à titre personnel et être déçu. Et ça m’arrive souvent dans ma vie privée, d’avoir ce genre d’espérances face aux femmes et d’être déçu. » expliquait Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement, le 27 juin dans l’émission Quotidien.
Le 2 août, lors d’une interview sur Konbini, il se disait même « déçu » de la tenue « peut-être un poil trop ample » de la chanteuse Rihanna, reçue à l’Elysée pour parler d’éducation, notamment celle des petites filles. Il a également lors de cet entretien eu un comportement fortement répréhensible en flirtant lourdement avec la journaliste qui l’interrogeait.
Attitude et propos choquants, mais pas étonnants de la part du porte-parole d’un gouvernement rétrograde : le Premier ministre Edouard Philippe ne s’est guère distingué lors des votes des lois sur l’égalité sous le quinquennat Hollande, que ce soit le mariage pour tous, où il s’est abstenu, ou celle sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes en 2014, lorsqu’il s’est abstenu à la première lecture et qu’il était absent à la seconde.
C’est par ailleurs sous Emmanuel Macron que le ministère des Droits des femmes a disparu pour n’être réduit qu’à un secrétariat d’Etat – avec donc moins de budget et de personnel et une présence au conseil des ministres sous conditions – et le choix du Président ne s’est pas porté sur une femme pour Matignon, alors même qu’il avait affirmé y être favorable.
D’autres personnalités éminentes comme Gérard Darmanin, ministre de l’Action et des comptes, ou encore certains députés, comme Oliver Serva, député de la première circonscription de Guadeloupe, n’ont pas été étrangers à la Manif pour tous et à son homophobie assumée. Autant de signes qui ne ne trompent pas : la lutte contre les discriminations n’est pas une priorité du gouvernement.
Les discriminations, ce sont des visages, ceux de leurs victimes. C’est tout le sens des photos des victimes noires de la police américaine diffusées notamment par Black Live Matters et d’autres organisations anti-racistes sur les réseaux sociaux et lors des manifestations en répétant sayhisname ou sayhername, ou en France de la figure d’Adama Traoré, d’Ilan Halami, de Marie Trintignant ou de Théo.
Dans les mouvements sociaux aux Etats-Unis, les pancartes des manifestants, ralliés sous le mot d’ordre « We The People », montraient des visages de personnes discriminées, par exemple celui d’une jeune femme voilée. Le mois des fiertés de 2016 a été entaché par le sang des victimes de l’attentat d’Orlando aux Etats-Unis le 12 juin, qui a coûté la vie à cinquante personnes dans une boîte gay. Les camps de torture en Tchétchénie et les politiques répressives dans certains pays du Moyen-Orient viennent encore démontrer que les persécutions dont est victime la communauté LGBT dans le monde sont loin d’être terminées. En France, les agressions de couples gays ne sont pas des cas isolés, comme on l’a constaté encore récemment à Lyon le 28 juin. Ce sont aussi les visages des personnalités qui les combattent ou les encouragent. Barack Obama, premier Président des Etats-Unis noir, a très largement contribué à protéger par la loi la communauté LGBT américaine, comme – entre autres – en octobre 2009 avec une loi fédérale qui reconnaît à un crime motivé par l’homophobie le statut de « hate crime ». Christiane Taubira a lutté toute sa vie contre le racisme et a porté le mariage pour tous en France. A l’opposé, Donald Trump et son vice-président homophobe Mike Pence, Marine le Pen ou encore Vladimir Poutine et son lieutenant tchétchène Ramzan Kadyrov ne cachent guère leurs haines vis-à-vis des minorités, à grands renforts de déclarations intolérables, voire d’actes barbares perpétrés à leur encontre.
Les discriminations, ce sont des vies. Elles reposent sur un système légal et social qui conditionnent la vie des minorités. En témoignent tous les tweets des hashtags #balancetonporc en France et #metoo à travers le monde suite à l’affaire Weinstein pour dénoncer le harcèlement sexuel dont les femmes font l’expérience quotidienne. On ne peut ignorer non plus tous les témoignages de contrôle au faciès, d’injures racistes, sexistes ou islamophobes dans l’espace public et de discrimination à l’emploi, puis de plafond de verre malgré les quotas, de slut-shaming…
Les chiffres de violences parlent d’eux-mêmes. Une femme sur trois est exposée à des violences dans le monde, une femme décède tous les trois jours sous les coups de son conjoint. En neuf mois, en 2016, la police américaine tuait pas moins de 700 personnes, dont une immense majorité d’Afro-américains et d’hispaniques. Les menaces et actions islamophobes en France ont triplé entre 2014 et 2015. Les chiffres de l’antisémitisme ont certes diminué, mais les actes terroristes à Toulouse en 2012 et à l’Hyper Casher ne permettent pas de baisser la garde. La stèle à la mémoire d’Ilan Halami a été profanée encore récemment. Vient s’ajouter à tout cela un contexte peu favorable à l’avancée des luttes contre les discriminations : élection de Donald Trump aux Etats-Unis, attentats terroristes, montée des nationalismes un peu partout en Europe.
Les jeunes homosexuels ou transgenres peuvent encore être jetés à la rue par leurs parents en France, comme le prouve la nécessité de structures d’accueil comme le Refuge. L’homophobie a encore de beaux jours devant elle avec des animateurs télé comme un certain Cyril Hanouna, qui trouvait très drôle d’« outer » sur un plateau un jeune gay dans son émission pas plus tard que cette année. Que dire de la culture du viol, présente dans la bouche de citoyens comme de policiers qui culpabilisent les femmes victimes de harcèlement, voire de viol ? Des inégalités salariales persistantes entre les hommes et les femmes, qui s’élèvent à 24% en France ?
Les discriminations, ce sont des combats. Ces combats sont souvent portés par les minorités qui s’organisent en mouvement social – la Gay Pride née le 28 juin 1970 à New York après les émeutes de Stonewall l’année précédente ou Women’s March plus récemment aux Etats-Unis – contre le système qui les discriminie – la Gay Pride d’Istanbul de 2017 où la communauté LGBT a défilé dans les rues malgré l’interdiction du gouvernement – ou contre des mouvements conservateurs, comme la Manif pour tous en France. Aujourd’hui, ils se développent, voire s’exportent, aussi en grande partie grâce aux réseaux sociaux, notamment Facebook et Twitter.
A nous de ne pas rendre les armes tant que la discrimination sera le quotidien de certaines minorités.
Article par Garance Berthaut